POURQUOI : Le procureur de la CPI soutient que Gbagbo et Blé Goudé ont élaboré et exécuté un plan commun visant à se maintenir au pouvoir après avoir perdu les élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire, en encourageant des attaques contre les partisans du président élu Alassane Ouattara. Ils sont accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité, à savoir de meurtre, de viol et d’autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – de tentative de meurtre et de persécution.

OÙ : Les crimes en question auraient été commis dans la capitale de la Côte d’Ivoire, Abidjan, au cours d’un rassemblement pro-Ouattara, d’une manifestation de femmes et dans une zone densément peuplée de la ville entre décembre 2010 et avril 2011.

COMMENT : Gbagbo est accusé d’avoir commis ces crimes conjointement avec les membres de son entourage immédiat, et par l’intermédiaire des forces pro-Gbagbo ou – à titre subsidiaire d’avoir ordonné, sollicité ou encouragé la commission de ces crimes ou – à titre subsidiaire – d’avoir contribué de toute autre manière à la commission de ces crimes. Blé Goudé est accusé d’avoir ordonné, sollicité et encouragé la commission de ces crimes ou – à titre subsidiaire – d’avoir apporté son aide et son concours à leur commission.

Les points de vue et préoccupations de 726 victimes qui ont demandé à participer aux procédures seront présentés tout au long du procès. En vertu du Statut de Rome, les victimes participant aux procédures peuvent recevoir des réparations pour le préjudice causé par la personne condamnée.

COMMENTAIRES : « Ce procès peut aider notre pays à sortir définitivement de la crise  en luttant contre l’impunité. Il est  important que  ce procès soit équitable, juste et impartial afin que la vérité soit connue de tous les ivoiriens, » a déclaré Ali Ouattara, président de la Coalition ivoirienne pour la CPI. «  Il  est aussi essentiel que Laurent Gbagbo et Blé Goudé ne soient pas les seuls à être tenus pour responsables des violations graves des droits de l’homme en Côte d’Ivoire. La Cour doit enquêter et poursuivre les crimes commis par toutes les parties au conflit ivoirien afin  d’éviter les critiques de partialité et pour véritablement aider  à apporter la justice et la réconciliation dans le pays. Il faut faire davantage pour tenir pour responsables les auteurs de crimes graves devant les juridictions nationales et accorder des réparations aux victimes. »

« Ce procès étant très politisé en Côte d’Ivoire, il est essentiel que le personnel de la CPI soit présent dans le pays pour communiquer des messages clés et contrer la désinformation tout au long du procès. Cependant, il semblerait que cela ne sera pas le cas pour l’ouverture du procès. Nous exhortons la CPI, et les États qui financent la Cour, à s’assurer que cette situation dangereuse ne continue pas, » a ajouté Ouattara.

« Les violences sexuelles et à caractère sexiste ont un impact terrible sur des femmes qui sont généralement pauvres, » a déclaré Fanta Doumbia, président de l’Organisation des femmes actives de Côte d’Ivoire. « Avec la stigmatisation autour de ces violences, les femmes sont rejetées par la société et leur mari. Elles se retrouvent seules. Il est donc crucial de lutter contre l’impunité pour ces crimes qui constituent des crimes contre l’humanité en vertu du Statut de Rome de la CPI. L’impunité d’aujourd’hui mène aux crimes de demain. »

« Ce procès est un moment important pour la justice internationale pour les crimes les plus graves. La question de juger d’anciens chefs d’États et ministres, mais surtout ceux en exercice, reste extrêmement controversée – mais il s’agit là d’un pilier du traité de la CPI ratifié par 123 gouvernements. Alors que d’autres tribunaux ad hoc ont jugé d’anciens chefs d’État comme Charles Taylor et Slobodan Milosevic, c’est la première fois que la CPI, qui est une nouvelle Cour mondiale permanente, jugera un ancien chef d’État pour des crimes allégués contre son propre peuple, » a déclaré William R. Pace, coordinateur de de la Coalition pour la CPI. « En raison des violentes tentatives de dénaturer et discréditer cet acquis clé du droit humanitaire, ce procès arrive à point nommé pour rappeler que dans le Statut de Rome, personne – quel que soit son statut dans la vie ou sa place dans la société – est immunisé face aux poursuites de la CPI. Il est également important de souligner que cette affaire résulte d’un renvoi par le gouvernement de la Côte d’Ivoire à la CPI. La Coalition vise une ratification universelle pour garantir que tous ceux qui ordonnent et commettent ces crimes puissent être tenus pour responsables. »

CONTEXTE: La Côte d’Ivoire a accepté la compétence de la CPI le 18 avril 2003 (à travers une déclaration sous l’article 12(3)), ne ratifiant le Statut de Rome qu’en 2013. Le président Ouattara a réaffirmé la compétence de la Cour dans une lettre datée du 14 décembre 2010, 16 jours après les élections qui ont conduit aux événements allégués dans l’affaire Gbagbo et Blé Goudé. La Côte d’Ivoire et le Kenya sont les deux seuls pays pour lesquels les juges ont autorisé la demande du procureur de la CPI d’ouvrir une enquête (proprio motu).

En octobre 2011, les juges de Chambre préliminaire ont autorisé le procureur à ouvrir une enquête – la septième de la Cour – pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Côte d’Ivoire suite aux élections présidentielles du 28 novembre 2010. La Chambre a par la suite étendu le champ de l’enquête du procureur pour y inclure d’éventuels crimes qui auraient été commis entre 2002 et 2010.

La CPI a levé les scellés sur le mandat d’arrêt contre Laurent Gbagbo le 30 novembre 2011 et il a été transféré à la Cour le même jour. Blé Goudé a été remis à la Cour en 2014. Les charges ont été confirmées contre Gbagbo et Blé Goudé respectivement le 12 juin 2014 et le 11 décembre 2014. Le 11 mars 2015, les juges de la CPI ont décidé de joindre les affaires, estimant qu’une grande partie des faits s’appliquent aux deux affaires. Le procès devait initialement s’ouvrir en novembre 2015, mais en raison d’une décision de la Cour de vérifier l’aptitude physique de Gbagbo à participer au procès, il a été reporté à janvier 2016.

Simone Gbagbo, l’ancienne première dame de la Côte d’Ivoire, est également impliquée dans le schéma criminel allégué avec Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Elle est toujours demandée par la CPI. En 2015, elle a été condamnée pour atteinte à la sécurité de l’État par la justice ivoirienne et condamnée à 20 ans de prison. Les juges de la CPI ont confirmé que la Côte d’Ivoire avait l’obligation de la transférer. Les autorités ivoiriennes continuent de contester la compétence de la Cour dans cette affaire.

La CPI est la première Cour internationale permanente compétente pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Au cœur du mandat de la Cour est le principe de complémentarité, selon lequel la Cour n’interviendra que si les systèmes juridiques nationaux n’ont pas la capacité ou la volonté d’enquêter et de poursuivre les auteurs de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Il y a actuellement neuf enquêtes actives devant la Cour: la République centrafricaine I & II, la RDC, le Darfour (Soudan), le Kenya, la Libye, l’Ouganda, la Côte d’Ivoire et le Mali. La CPI a publiquement émis 33 mandats d’arrêt et neuf citations à comparaître. Quatre procès sont en cours. Il y a eu deux condamnations et un acquittement. Huit examens préliminaires sont actuellement en cours, à savoir les situations en Afghanistan, en Colombie, en Géorgie, en Guinée, en Irak, au Nigeria, en Palestine et en Ukraine. Le Bureau du Procureur a mis un terme à des examens préliminaires au Venezuela, en Palestine, en République de Corée, au Honduras et au renvoi des Comores, refusant dans chacun de ces cas d’ouvrir une enquête.

La Coalition pour la Cour pénale internationale est un réseau mondial d’organisations de la société civile présentes dans 150 pays travaillant en partenariat pour renforcer la coopération internationale avec la CPI; s’assurer que la CPI est juste, efficace et indépendante; rendre la justice à la fois visible et universelle, et promouvoir le renforcement des lois nationales qui permettent de rendre justice aux victimes de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. www.coalitionfortheicc.org.